J'ai le regret de vous annoncer le décès de notre Camarade Léon Heyer de Guebwiller, c'était le doyen de notre section. Léon a eu un parcours très particulier.
Comme tous les jeunes alsaciens, Léon a été enrôlé dans la Wehrmacht. Avant de partir, son père, mineur de potasse, militant communiste et CGTiste lui a dit : "Tu ne vas pas combattre pour ceux qui occupe l'Alsace, à la première occasion, tu sais ce que tu as à faire !"
Il se retrouve dans la Wehrmacht sur le front russe, trois mois après, profitant d'une attaque de son convoi, il se cache dans les broussailles et se rend aux partisans soviétiques qui ont attaqué son convoi.
Il est alors intégré à la brigade "Victoire" qui avait pour mission de faire sauter les trains militaires de la ligne Varsovie-Minsk. Il se retrouve aux côtés de gars de Léningrad, des Polonais, des Roumains, des Ousbeks.
Pourchassés par les Allemands, ils changeaient régulièrement de camp dans les forêts. Il a vu tomber quelques Camarades de sa brigade dont le toubib.
Il a aussi vécu le massacre de villageois (femmes, enfants, vieillards) par les Allemands lorsque ces derniers se rendaient compte que le village ravitaillait les partisans soviétiques.
Enfin durant l'été 1944, devant la poussée de l'armée soviétique, les Allemands battent retraite.
En août 1944, plusieurs milliers de partisans ont été rassemblés à Minsk, une partie a été incorporée dans l'armée rouge.Léon a été affecté à un bataillon spécial chargé de capturer les hordes de soldats allemands en déroute.
Au printemps 1945, il passera, avec quelques uns de ses Camarades, 3 mois à Odessa, au bord de la mer Noire, pour se refaire une santé.
En Août 1945, il est de retour chez ses parents à Guebwiller.
En 1967, 23 ans après, Léon retournera à Ostrovo avec Jeanne son épouse et ses 2 enfants Patrice et Sonia.
L'accueil est particulièrement émouvant, chaleureux, très vite Léon se remet à parler et à chanter en russe !
Quelques mois plus tard Léon apprend que l'ambassade d'Union soviétique souhaite lui remettre une décoration. (médaille de l'ordre de la guerre pour la patrie)
La cérémonie pourrait se dérouler à la Mairie de Guebwiller sauf que le Maire de l'époque ne le souhaite pas, il conseille à Léon d'aller chercher sa décoration à Paris, Léon refuse évidemment ! Finalement, sous la pression de l'ambassade, le Maire cède et trois diplomates sont reçus en mairie.
Léon a passé sa carrière professionnelle à la mine. Il était, jusqu'à très récemment responsable du groupe des retraités mineurs de Guebwiller et environs.
En octobre 2011, l'Institut d'histoire sociale de la CGT et le PCF avaient organisé une commémoration en mémoire d'Edouard Griesbaum, mineur lui aussi, résistant communiste, décédé dans le Doubs après dénonciation. Léon avait participé au débat sur le thème de la résistance alsacienne avec beaucoup de chaleur et de conviction.
Comme à chaque témoignage, il a réussi à captiver son auditoire.
Aujourd'hui, en fin d'après midi, j'avais décidé, comme je le fais une à deux fois l'an, d'aller rendre visite à Jeanne et à Léon qui m'accueillaient toujours très chaleureusement.
Mais cette fois-ci Jeanne, toujours si joviale, avait une mauvaise nouvelle à m'annoncer.
La section, la Fédé 68 du PCF ainsi que la CGT MDPA accompagneront Léon à sa dernière demeure, Vendredi 06 juillet à 14h 30, à l'église "Notre Dame" de Guebwiller.
Nadia PETER
Le 4 juillet 2012
